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Geoffrey ou le combat d’un « farang » en Thaïlande

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Un camp d’entraînement de Muay Thaï (Boxe thailandaise). Un ring, des sacs de frappe le long des murs, et le bruit des tibias qui en viennent frapper le cuir. Des cris mêlant exténuation et détermination forment la bande son de la scène. Au milieu des combattants, Geoffrey tape et tape encore, déterminé, à 10 000 km de sa Charente natale. « Encore 10 minutes. Je suis mort. Je pousse encore un peu et j’arrête », lance le jeune brun d’1m85, plié à 90 degrés, les gants sur les genoux.

Il est 19h. La nuit est tombée sur Hua Hin, ville côtière située à 200km au sud-ouest de Bangkok, mais la température ne descend pas en dessous des 25°c. Jeune entrepreneur, Geoffrey, 24 ans, était à l’origine venu rejoindre deux associés avec lesquels il devait créer un parc accrobranche. « Une semaine avant mon départ de France, ils m’ont dit renoncer au projet. Sympa ! J’avais déjà contracté un crédit, tout était prêt, alors je me suis dit: tant pis, j’y vais tout seul et je trouverai quelque chose à faire sur place. En fait, ce n’est pas aussi simple ! » , lâche-t-il en souriant, un peu amer tout de même.

Sa destination, il l’a choisie après avoir passé deux semaines de vacances en Thaïlande. Il interrompt alors ses études de psychologie pour venir y vivre. Outre le climat et le coût de la vie cinq fois inférieur à celui de la France, Geoffrey a surtout été séduit par le dynamisme de ce pays en pleine expansion. « J’ai un bac ES, deux mois de BTS, et 2 ans de faculté de psychologie. C’est maigre comme cursus, et avec ça, impossible pour moi de trouver en France un travail qui me plaise. Surtout qu’il n’y a pas de jobs, et encore moins pour les jeunes. En Thaïlande, j’ai eu l’impression de voir des opportunités partout ». Les chiffres parlent en effet d’eux-mêmes : la Thaïlande affiche un des plus gros taux de croissance d’Asie (6,4% en 2012). Environ  10% de chômage en France, contre 1% en Thaïlande, les statistiques sont convaincantes, même si la réalité peut faire déchanter rapidement. « L’ensemble donne envie, mais on comprend vite qu’on est un blanc, un farang (européen) ; et qu’on le restera ».

Bien que combatif et déterminé, après huit mois passés en Thaïlande, Geoffrey tire la langue. Les seuls revenus qu’il ait pu faire rentrer jusqu’à présent proviennent de ses combats de Muay-thaï, le sport national depuis des siècles. De l’argent gagné à la sueur de son front et dans la douleur. « Mon premier combat était à Nakhonsawan. J’ai fait 6h de bus, tout seul, pour aller me prendre la raclée de ma vie », dit-il en riant. « J’ai gagné 7000 bahts (environ 175€), pour avoir combattu ». Geoffrey reste déçu de la façon dont se sont déroulées les choses. « On m’a envoyé combattre, après seulement quatre mois d’entraînement. Le problème, c’est que le niveau était élevé, qu’il y avait des officiels, la télé, et que les trois combats avant le mien se sont terminés en K.O. J’ai combattu par orgueil, et c’est une erreur, j’aurais pu prendre très cher sur ce coup-là. Mon entraîneur n’en avait rien à faire, il m’a envoyé au charbon, de toute façon le club gagne de l’argent ; voilà ce qu’est d’être un farang en Thaïlande, il faut faire avec », conclut-il sans cacher sa rancœur. « J’ai fait un deuxième combat à Kho Samui ; douze heures de bus et trois heures de bateau que j’ai parcourus avec un autre combattant. J’ai de nouveau perdu, mais avec les honneurs cette fois : j’étais à deux doigts de gagner. 10 000 bahts à la clef (environ 250€), c’est déjà ça. La prochaine fois sera la bonne ! ». Une rentrée d’argent qu’il ne dédaigne pas, même s’il vit le reste du temps sur ses économies et l’argent du crédit qu’il a contracté. Rien ne semble pouvoir entamer le moral de ce sportif chevronné. Posé, calme, il rebondit sans arrêt. Inspiré, il envisage un nouveau projet,  dans lequel il peut se lancer seul.

L’apprenti Nak Muay (combattant), se tourne vers le textile. Il décide de créer sa propre marque : « Les vêtements de boxe thaïe se ressemblent tous, et dans l’ensemble ne sont pas très jolis, il faut l’avouer. Il y a un marché pour qui a du goût et sait véhiculer la mentalité de combattant ». S’appuyant sur sa propre histoire, il créée une ligne de vêtements. Porteuse d’un message de renouveau, il veut aussi orienter la marque vers la nature et le combat. Still Up, une des collections de la marque, porte ce message de combat sans fin, qui s’applique sur le ring comme dans la vie. « Un tee-shirt avec dans le dos, une colonne vertébrale, parce que c’est ce qui nous tient debout. Je voulais que le message soit clair, alors j’ai inscrit ce qui me semble être les étapes successives d’un combat ; combattre, tomber, se relever, vaincre. Et ainsi de suite, tant que l’on vit, on y aura droit. C’est l’état d’esprit dans lequel je suis. Tomber n’est pas un échec, il faut toujours se relever et y retourner. »

Sans s’épuiser, il continue d’avancer et de travailler pour sa marque de vêtement, un secteur dans lequel beaucoup se lancent mais où peu réussissent. Avec le peu de moyens qu’il a, il tente de la faire connaître. « C’est beaucoup de boulot, et j’ai l’impression que la masse de travail à abattre ne réduit jamais. Mais j’y crois, j’irai au bout. De toute façon, même si je finis par échouer où me résigner, ça aura été une belle expérience. Je n’aurai aucun regret et je pense que je tirerai beaucoup de leçons de cette aventure » avoue-t-il. « Mais on ne va pas parler de ça. Pour l’instant, j’ai la force de me battre ».

 

 

 


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